jeudi 13 juin 2013

SHOKUZAI, film de Kiyoshi Kurosawa

Approcher les non-dits de la société japonaise. Par exemple, le grand espace physique entre les gens quand ils se parlent. Ils s'inclinent à distance, se regardent à peine, puis sont obligés d'élever un peu la voix pour se parler, à cause de la distance laissée entre eux.
Approcher les conséquences d'un traumatisme, montrer à l'écran ce qu'on ne voit pas, ce qui se passe dans la tête, le temps qui s'allonge, le temps ralenti, les questions qui s'entrechoquent. L'ambiguïté qui surgit, prend toute la place : le spectateur non plus n'est pas sûr de ce qu'il voit.
On dira sans doute que le film est trop long : en deux parties de 2h et 2h30, mais pourtant, il donne à vivre un temps différent. Celui qui s'infiltre à l'intérieur du corps, quinze ans après un événement traumatique, mais pas seulement. Il y a aussi le temps du Japon, entre les Japonais, qui est différent. On se tait, on se regarde, un simple "mmm" peut tenir lieu de réponse, sans que personne n'appuie dessus, sans plus de questions.
Et puis les visages. Quand le frère revient dans la maison familiale, qu'il sort de la voiture, il sort du côté spectateur, alors son visage remplit tout l'écran, un bref instant : de face, puis de profil quand il se retourne, c'est comme un titre de chapitre : "le frère".
Ce qui est dommage, c'est que le réalisateur ait essayé de combler tout ce silence par une musique affreuse et  surlignante.
Le titre signifie, en anglais, "atonement", qu'on peut traduire par réparation, expiation, punition.
La punition, non pas pour avoir fait quelque chose, mais pour n'avoir *pas* agi : ce thème court tout au long du film, comment réparer le fait de n'avoir pas agi, comment réparer ce qui fait que rien n'a été fait au moment où il fallait agir. Agir, telle est la réponse. Comme une urgence, comme un combat à mener jusqu'au bout : il faut agir, faire quelque chose, même trop tard, malgré tout, pour pouvoir vivre avec soi-même.